Nouvelle estrope après 6h de lutte suivie d’une nave de nuit

PM de 13:30. Commençant à midi je croyais que j’aurais largement fini

À 16:00 je devais fuir vers le chenal pour garder de l’eau dessous.

À 18:00 j’y étais encore.

Et je n’y serais pas arrivé sans l’assistance inespérée de Cousin Pascal, qui en a vu d’autres, drivé par Ami Jérôme, tous deux venus de Claouey sur la pinasse Bleu de Mer 1 sous petit gréement. Ils espéraient m’embarquer pour le retour. Ils ne se doutaient pas sur quoi ils allaient tomber.

Rétro :

La veille, vendredi, de passage à Arcachon, récupération de la nouvelle estrope Dyneema, déjà épissée du côté platine, par l’excellent Vincent le Serec de VLS Gréements. Je lui prends 5m de plus pour la pantoire de pataras avant qu’elle ne pète à son tour pour la même raison. La veille au soir, assez grosse soirée dans les Landes. Samedi matin très tôt sur la route. Escale à Arès pour acheter un peu d’outillage. J’y passe trop de temps. Je repars avec un jeu de clés à tube Facom auquel il ne manque que des clés de 7 qui sont celles dont j’ai vraiment besoin aujourd’hui, et une sangle de mauvaise qualité… Re escale au bio d’en face pour l’alimentation. Retour sur la route. Il est presque ou déjà 10:00 bref, c’est bouché sur la route bordel. Une demi heure plus tard (Grrr), Claouey, Sylvosa, à fouiller dans la caisse à outils de l’oncle François. J’en repars avec quelques clés de 7 et 8. Je (ne) saute (pas) l’épisode où la voiture (de prêt, merci Ana !) ne s’ouvre plus alors je vais à vélo acheter une pile au SuperU pour la télécommande mais avec la pile neuve ça ne s’ouvre pas davantage argh! Et à la faveur d’un appel téléphonique à l’aide, je comprends que « fort, appuyer : fort » est le sésame. La pile était bonne. En route pour le Ferret.

C’est comme ça que je suis à bord avec mes quelques outils vers midi.

Forfait : 1 heure par étape

La table est déjà démontée. La première chose à faire, c’est de passer la sangle autour de la dérive au niveau de son point d’équilibre. Pour ça, une latte permet de pousser la sangle le long de la dérive. Je merdoie un peu en essayant d’éviter de me mettre à l’eau puis je me mets à l’eau pour accrocher le bout de la sangle à un messager que j’ai préalablement poussé de l’autre côté. Remonter à bord, tirer le messager, faire un gros nœud et réserver.

La deuxième chose à faire va m’occuper quelques temps : déposer les 10 boulons qui fixent les joues de dérive. Avec le bon tournevis et les clés adéquates, ça aurait pu être simple. Le truc compliqué c’est que les écrous dessous, ils sont un peu encastrés dans la résine, pas possible d’y glisser une clé à œil ou à pipe. L’autre truc, c’est que les têtes de vis plate au dessus, en inox, elles sont assez tendre, et elles se défoncent vite fait surtout avec un tournevis trop fin. Le Letherman a bien un tournevis du bon calibre. Ça me sauve, mais je me défonce les mains. La pince étau aussi elle est souvent sollicitée, soit en bas, soit en haut. Je ne déconne pas : déposer les 10 boulons ça va me prendre une bonne heure.

La pince-éteau, outil indispensable

La pince-éteau, outil indispensable

Mais ça finit par être fait ! Petite victoire. On passe à l’épreuve suivante : décoincer le truc.

Mes plus fidèles lecteurs se rappelleront bien sûr que les joues de dérives neuves, elles m’ont donné pas mal de boulot pour les faire rentrer dans leur logement usiné au millimètre, à cause surtout de l’épaisseur de galva, que je n’avais pas pensé à déduire des dimensions, c’était ballot, j’étais débutant. Et bien aujourd’hui, je vais batailler encore une heure (et me demander quelques fois si je vais y arriver) pour arriver à désincarcérer le système.

L’idée, c’est de pouvoir soulever verticalement la dérive qui entraîne le système de joues/pivot avec elle. Pour ça, j’ai confectionné un circuit de poulies, le même que j’avais employé avec succès la dernière fois : une poulie accrochée en haut de l’épontille ; une poulie accrochée sur le tribord du trou de descente sur le rouf (son bout passe sous la main courante, par le charriot de génois jusqu’au winch de tribord) ; une drisse part de mon brelage en sangles, monte dans la poulie d’épontille, file dans celle du rouf, part à bâbord jusqu’au winch de pont.

Je mouline. La corde vibre mais la dérive ne bronche pas.

Je continue : je prolonge le chemin de la drisse jusqu’au jusqu’au winch d’écoute bâbord. On essaie d’éviter le surpattage. Tension. Je mouline. Gnnnnn! L’épontille souffre. Je n’aime pas ça. Démontage de cette poulie et remontage en faisant sortir son bout par le capot de pont et attaché à l’avant bizarrement mais solidement.

Je mouline. Tension extrême. Dans la drisse et dans ma tête. Rien ne bouge dans le puits de dérive.

C’est parti pour des coups de marteau avec et sans le tournevis. Sur le métal, sur les flancs du puits de dérive, levier avec le tournevis là où je peux… Encore un ou 2 clics au winch. Davantage de tension. Re-marteau…

Et ça monte !

Putain, enfin !

Putain, enfin !

Ça fait une heure que j’ai mis en place le système de tirage.

Tu crois que le plus dur est passé mais…

Je crois que quelque part vers là, je me fais ma tomate à l’huile avec une Heineken tiède.

La mise en place de la nouvelle chappe articulée prend 2 minutes. On y croit. Je laisse redescendre le système. Il se pose mais pas parfaitement.
Là, je fais un truc dans l’idée de permettre aux joues de dérive de mieur tomber en place : je retire la goupille arrière et laisse pivoter la dérive. Qui m’échappe des mains ! Elle pivote beoucoup trop. Je la remonte et la re-goupille. Les mains qui saignent (rappel que je n’ai toujours pas de palan et que je manipule le pivotement avec seulement le bout passé en lasso à l’arrière/en bas de la lame de 75 kg).

Seulement maintenant, la sangle, elle est solidement coincée. Toutes mes tentatives pour la décoincer restent vaines. Dérive en bas, en haut, à moitié… Gnééééé… C’est Excalibur la Sangle : il n’y aurait que le Roi Arthur pour l’extraire de là !

De guerre lasse, elle pivote quand même, je me prépare à baisser les bras avec ce souci de sangle coincée, en étant bien sûr que tôt ou tard elle me jouera un tour… Mais la fatigue aidant, je ne trouve pas mieux. Il faudrait une autre sangle pour relever tout le système, mais je n’ai pas d’autre sangle là. Et puis marre…

C’est alors que je suis hélé de l’extérieur.

C’est Bleu de Mer 1, la pinasse des champions du monde 2019, avec Jérôme à la barre et Pascal à tous les autres postes, ou le contraire. Je reconnais bien Jérôme, d’avoir saisi l’occasion d’une navigation. Je reconnais bien mon cousin d’avoir sû convaincre Jérôme de venir à 2 jusqu’au Ferret sachant que tout le retour se fera au près…

En attendant je suis bien content de les voir embarquer, parce que des galères de mécanique, Pascal il est champion de Méditerranée centure noire. Alors mon petit souci de sangle coincée, ça le fait rigoler. Par exemple là, après que je lui aies raconté la situation, la solution c’est : « on va la lever en utilisant l’estrope Dyneema que tu viens de connecter à la dérive. »

Bon sang mais c’est bien sûr !

Quelques minutes plus tard, le système est remonté, la sangle libérée, le système remis en place. Il n’y a « plus qu’à » le reboulonner. Pascal s’y colle tandisque je confectionne l’épissure de l’estrope sur la poulie mobile du palan. Pascal va au plus urgent en réalisant une surliure provisoire, à reprendre demain. On va vachement plus vite avec deux paires d’yeux et de mains, et deux cervaux dont un surentraîné à la gestion d’un bateau pas trop neuf…

Là c'est pour faire les cons...

Là c’est pour faire les cons…

Il faut encore passer la nouvelle drisse du palan 8 brins. Faire provisoirement un nœud (on verra la surliure demain !). Essais : la dérive fonctionne !

Bleu de Mer sous petit gréement menée par deux équipiers

Bleu de Mer sous petit gréement menée par deux équipiers

Bleu de mer repart vers le nord. Il reste une demi heure de descendant mais plus trop de temps avant la nuit.

Nuit sans lune pour la première nave avec la dérive réparée

Je finis de ranger le chantier qu’a été la cabine de l’Iboga depuis le matin. Aller-retour à la voiture, depuis le bord du chenal, pour récupérer mon paquetage. Et en route ! Il est bientôt 20:00.

J’avoue, je me facilite la tâche en tirant le premier bord face au vent à l’aide du moteur jusqu’à Bélisaire. Le soleil touche les pins, à l’ouest, quand je déborde le Boque (plage des Américains).

Ensuite tout sous voiles, au près. De larges bords — la renverse est arrivée, mais le très petit coef ne fournit qu’une médiocre aide de courant — entre les parcs de l’île (je touche au Bancot) et la côte. Pas très loin devant, Bleu de Mer. Ils sont à Piquey je dirais quand je passe l’Herbe.

Vers 21:00 c’est la nuit noire. Je distingue la voile de Bleu de Mer vers Hautebelle alors que je ne suis qu’à Piquey. Je m’habille avant d’avoir froid.

La nuit tombe pour de bon

La nuit tombe pour de bon

Nuit sans lune. Heureusement je peux compter sur Navionics pour me situer, rester dans le chenal d’Arès et savoir quand loffer pour entrer dans le chenal de Lège. Par contre il ne me signale pas les bateaux au mouillage. Je dois me débrouiller, c’est à dire développer un 6e sens pour deviner la présence d’une coque noir sur noir.

Après un 2e bord dans le chenal de Lège, je profite d’avoir un peu de place pour affaler le génois et lancer le moteur. Je vais pouvoir longer le bord ouest du chenal, au cul des bateaux au mouillage, dans un grouillement de mulets qui sautent partout et jusque sur le bateau !

À quelques mètres de la balise B0 qui marque l’entrée de l’estey de Madone, je dépasse Bleu de Mer où Jérôme et Pascal affalent la voile pour terminer leur route à l’aviron. Bravo les gars. On peut se congratuler d’être arrivés sans souci dans cette purée de noir.

Iboga et Bleu de Mer posent l’ancre devant le club nautique vers 22:00. Les marins vont profiter d’un dîner à terre préparé par JY et Laurent (c’est là que Jérôme développe une forme d’humour symptômatique à propos de la contagion COVID etc…)

Nuit à terre.

Encore des épissures et des surliures

Dimanche matin, grasse mat pour moi. En fin de matinée, je retourne au bateau pour finir cette histoire d’estrope :
– refaire la surliure de l’œil épissé de l’estrope sur la poulie mobile
– réaliser la surliure de la drisse de palan (je ne veux plus un nœud dans ce système !)
– remplacer la pantoire du patarras par le bout de Dyneema neuf, avec de belles épissures surliées. C’est nickel.

Repas en famille à terre.

Reprise du bateau juste après la renverse de descendant, vers 15:00. Traversée de la mate de Claouey, au moteur. Tentative de voile au portant, que j’interromprai devant Grand Piquey alors que mes calculs me donnent une heure de route à cette vitesse, c’est à dire trop de temps pour arriver au mouillage à temps. Re-moteur.

Atterrissage au corps-mort vers 17:00. Avec une demi heure de sécurité. Un gars est accroché au 3-C07. Je dois faire un huit entre les baigneurs le temps qu’il s’organise (se casse quoi).

C’est ainsi que s’achève cette session, avec la satisfaction de n’avoir pas laissé trainer le souci de dérive et avoir la possibilité de profiter jusqu’au bout de la saison.

Un grand merci aux cousins de Claouey pour leur assistance pertinente et leur accueil familial sans faille. Un grand merci au camarade Jérôme sans qui bien des choses en bois ne seraient pas et ça serait bien dommage.

Un palan presque neuf

Un palan presque neuf

L’album photo : La nouvelle estrope de palan de dérive de l’Iboga