Prendre de la hauteur sur le banc d’Arguin

Comment !? La Réserve Naturelle Nationale du banc d’Argin survolée par un SATELLITE !? Mais que faite Le Gestionnaire ? Interdire ! Interdire ! Assez de ces humains arrogants !

Caaaalme-toi fx… (respire…)

Bon, pour commencer, MERCI à Thomas Pesquet, héros des temps moderne, représentant de la brillante race Française à bord de la station spatiale internationale de novembre 2016 à juin 2017, qui nous régale de ses clichés sur la vie quotidienne et extraordinaire des occupants affairés de l’ISS, et de ses coups de cœur « planète Terre vue d’en haut ». Très haut.

Ce jour ci, il a tilté sur ce petit bout de côte du bassin aquitain où sont concentrés tant de sites qui me tiennent à cœur : la vieille forêt de la Teste et de Cazaux, tellement chargée d’histoire(s) ; la pointe du Ferret avec sa conche du Mimbeau et juste au nord, le mouillage n° 3-C07 auquel est accroché en principe mon bateau ; la dune du Pyla, siège de magnifiques souvenirs de jeunesse (qui n’a jamais fait un feu de bois le soir avec quelques amis choisis, dans un replis de la dune aura du mal à comprendre) ; les baïnes des Sabloneys où l’on tirait la traïne le soir avant de faire griller les solettes et les vives et de s’endormir sous les étoiles ; et… les passes du bassin d’Arcachon, avec ses bancs qui se redessinent sans cesse au gré des marées, des vagues et du vent, étape et ressource inépuisable du sable dont on fait les dunes du trait de côte, site d’élection (on dit unique sur la côte de France, est-ce vrai ?) d’oiseaux migrateurs qui y nichent sur le chemin qui va du cercle polaire à la Mauritanie, et retour… Le banc d’Arguin. (soupir).

Une photo satellite, ça change des photos prises de drones, d’ULM et même de vrais avions (ping Stéphane Scotto1, Guillaume Lenoir, Clément Viala…). Qui se rappelle que pendant des années, les seules photos vue d’en haut, c’étaient La photo satellite recolorisée de Spot Image ? Et puis est arrivé Google Earth. Puis les précurseurs de la photo aérienne artistique et militante sur les traces de Yann Arthus Bertrand. Et maintenant la banalisation des photos aériennes pour notre grand plaisir de spectateurs et surtout d’usagers du site :)

Mais voilà : obligé de repenser à cet Arrêté Ministériel, avec son Art. 19. – I.. L’Arrêté interdisant le kite-surf et le bivouac à l’ancre de nuit dans la zone sud du Banc, rares activités exigeantes, ponctuelles et respectueuses du site et seules réprimées. L’Arrêté, héritage de dernière minute d’un gouvernement détesté qui n’aura pas à en assumer les conséquences, produit d’une manipulation politique et d’un raisonnement pervers sur la relation entre les causes et les conséquences, les objectifs et les moyens, une vision du monde intellectuellement malhonnête, scientifiquement bancale et idéologiquement toxique : on ne résout pas les problèmes en traitant à côté des causes. Non, on ne protège pas mieux le milieu naturel des oiseaux en interdisant de banc d’Arguin les usages 1. les plus marginaux 2. les moins impactant, quand ou parce qu’on est impuissant à réguler radicalement les usages les plus massifs, les plus délétères.

Je ré-explique ?

Que le banc d’Arguin soit une réserve naturelle pour la protection de sternes, huitriers pie et autres espèces qui ont besoin d’espace, fort bien, il n’y a pas de débat là dessus.

Là où il y a débat, c’est sur l’interdiction du kitesurf qui, non, à 4 ou 5 km des nichées n’effraie pas les oiseaux. Il y a de nombreux sites où sternes et kitesurfers cohabitent sans souci pour les sternes. Sauf que à Arguin, le gestionnaire a réussi a faire abusivement appliquer au kite une réglementation contre le « survol » d’une réserve. Sans apporter jamais la moindre justification scientifique de cette mesure de prohibition.

Ensuite, le projet d’interdiction du bivouac de nuit qui est dans les tuyaux depuis 2011. Le gestionnaire verrouille petit à petit, en commençant par ceux qui peuvent le moins se manifester. Parce que nous ne sommes pas très nombreux à profiter de la nuit à Arguin. quelques dizaines quelques soirs par saison. Alors que les MILLIERS de plaisanciers, la plupart motorisés, qui envahissent le banc dans la journée à heure fixe (ne pas rater téléfoute le dimanche soir), les norias de jetskis et de semi-mous de location et les débarquements de transports pleins d’estivants-consommateurs à la journée, ça serait plus compliqué de les interdire de banc… Et oui.

Des preuves ? Bien sûr : reportez vous au très détaillé travail de l’institut Geomer publié en 2010 sur la base d’observations rigoureuses sur la saison 2009 et toujours accessible sur le site de la Préfecture.

Dans le cadre du suivi du schéma de mise en valeur de la mer du Bassin d’Arcachon, la direction des territoires et de la mer a piloté la réalisation d’une étude sur la fréquentation nautique du Bassin d’Arcachon. Les conclusions de cette étude réalisée en 2008 et 2009 par le laboratoire de recherche GEOMER (UMR 6554 LETG) de l’Université de Bretagne occidentale ont été présentées à tous les acteurs concernés le 2 décembre 2010. Le rapport présente une analyse détaillée des activités de plaisance au travers d’une somme conséquente d’informations chiffrées et de compte-rendus d’enquêtes menées auprès des usagers.

L’ensemble du rapport est passionnant, mais vous pouvez sauter à la page 68 où commence l’étude de la fréquentation d’Arguin.

Des MILLIERS d’intrus dans la journée contre quelques dizaines au pire de bateaux de passionnés, la nuit à 4 ou 5 km au sud de la zone de nidification protégée, et ce sont ceux-ci qui sont interdits ? Non, cette réglementation ne répond pas au problème. C’est pour ça qu’elle me met en colère.

Bonus : La preuve par l’image que le gestionnaire poursuit d’autres finalités que la protection des sternes, en revendiquant un territoire démesuré par rapport aux lieux de nichage. Et, au fait, pourquoi ce tracé au milieu du chenal ? Ne serait-il pas justifié scientifiquement et écologiquement de définir un territoire qui englobe la dune et la forêt ? Alors, quelle est la justification environnementale de ce tracé ?


Nouvelle emprise de la réserve naturelle du banc d’Arguin 2017

Allez, on se mobilise, on cause au nouveau ministre qui pratique le kitesurf et nous a habitué, en tant que militant, à être en même temps radicalement exigeant et intellectuellement honnête.

Et on espère une remise en cause rapide de cet Arrêté.

Edit du 27 mai : pendant ce temps, les injures et les préjugés fusent sur Le réseau social :(


  1. Bassin d’Arcachon : le banc d’Arguin vu du ciel signé Stéphane Scotto