Sacrée Marée

l'Iboga au près cap au nord (photo Rose)

l'Iboga au près cap au nord (photo Rose)

Là je rentre d’une sacrée marée, qui avait commencé par une putain de sacré avarie de dérive sur une caouène au descendant, le bateau sauvé avec l’aide du sourire confiant de mon équipière, et la marée aussi, puis un rassemblement à 5 bateaux à Arguin pour une belle soirée et la nuit, puis une belle bagarre au près le dimanche matin contre le descendant, jusqu’à l’abris de la dune d’el Palomar pour reformer une grappe de voiliers conviviaux avant de retourner au mouillage d’un coup de génois vent arrière.

Je reviens avec quelques détails dès que possible…

L’avarie : rupture du câble de palan de dérive avec dérive en avant, plantée dans le sable d’une caouène, marée descendante coef. 110. vous voyez le topo ? Sans blaguer, j’ai vraiment cru perdre le bateau, ou pas loin, au moins la Grôsse avarie bien velue.

Déroulement

Arriver sur la presqu’île pour récupérer le Yamaha après nettoyage de carbu (ma galère précédente pour rallier la 680 connexion).

Quitter le mouillage in extremis, vers 11:00, alors que la marée descend, vite (le coef. de 110 en ce samedi 11/09).

Direction Arguin pour une concentration de joyeux voileux festifs.

Pas de vent. Route au moteur tandisque j’instruis doctement Lucile des plaisirs et risques de la plaisance sur notre petite mer, et notamment des abus de recours aux dévoués sauveteurs de la SNSM pour de simples imprudences non vitales, tels les échouements… jusqu’à ce que, BANG !

Dans la cabine, drôle de bruit pas bon du tout, la table a sursauté et le bateau se met travers au courant. La dérive a heurté une caouène. Ça c’est sûr et presque habituel. Mais pourquoi le bateau est-il bloqué ? Je mets l’ancre. Piouh ! Quel jus ! Pas évident de descendre à l’eau. De l’intérieur, je dépose la table : salade de palan, câble cassé à ras du sertissage côté dérive, dérive en bas, vous savez ? En avant.

L’accident

Tentative 1 : moteur à fond face au courant. Le but : ressortir par là où je suis arrivé, et non pas s’enfoncer davantage sur le banc. Pas moyen d’avancer. Aussière d’ancre au winch. Pas mieux.

Je saute à l’eau, assuré par une écoute. Constat dessous : la dérive est enfoncée dans le sable d’au moins 30 cm ! En avant. Et la marée baisse.

Réfléchir, mais vite, parceque là, le scénario normal c’est : la marée baisse ; bientôt le bateau va porter sur la dérive qui est en position anormale ; quand la dérive en aura marre de supporter 1300 kg elle va certainement plier et peut-être tenter de rentrer quand même, mais à l’avant du puits de dérive, ou de sortir de son pivot… rien de bien normal et assurément une grave avarie de structure avec ou sans entrée d’eau à la clé.

A ce stade du diagnostic, je suis un peu décomposé.

Passe lentement une grosse vedette. Je la hèle. 1 fois, 2, 3… je n’ai pas d’autre option. Le temps passe vite. Jusqu’à ce qu’elle fasse demi tour et vienne s’enquérir. Elle ne peut pas s’approcher assez, avec ses arbres d’hélice. Se met à l’ancre à saine distance du banc. Le temps passe et la marée descend. Je persuade le propriétaire de descendre l’annexe de ses bossoirs pour venir chercher mon aussière. Las, l’aussière est trop courte. Mon sauveteur galère à tracter l’aussière contre le courant avec son 2 CV. Et maintenant ?

Sauveteur 1 puis 2

S’approche un dayboat avec son 150 CV HB. Nous le hélons. Il comprend ce qu’on attend de lui, fait un tour et se présente. Sincèrement, moi je crois qu’il n’arrivera pas à nous tirer : plantés et contre courant… Toujours dans son annexe, sans laquelle le problème d’approche serait resté entier, mon 1er sauveteur amène l’aussière au dayboat. Pas de galère dans l’hélice ou ce genre de trucs. Il se met en traction, moi je ramène l’ancre en même temps. Et… il nous sort de la cahouène ! Même pas mal. Heureusement que le sable est super meuble sous l’eau.

Je coupe les sirènes et le girophare rouge dans ma tête.

Bateau sauvé

Toujours tracté, nous rejoignons le chenal où je mouille l’ancre. Mon sauveteur n°2 me rend l’aussière et continue sa journée. La grosse vedette remonte son annexe et son mouillage et taille sa route sous mes gestes de gratitude (je ne connais même pas ni le nom des bateaux ni ceux de mes bienfaiteurs…)

Le bateau est sauvé. Il me reste à sauver la marée : mon équipière, admirable dans l’adversité, n’était pas forcément venue pour une pure galère. Il en va de la Légende de l’Iboga ;-)

Remonter la dérive, ça je sais faire : j’avais déjà eu le cas quand celle d’origine avant lâché. Passer un bout sous le bateau pour tirer la dérive vers l’arrière à l’aide des winches. Tu parles ! Le bout préfère se couper. Mais de toutes façons, avec ce courant, positionner le bout était illusoire. Option 2, le noeud coulant dans le puits de dérive, plonger sous le bateau passer le noeud à l’extrémité de la dérive, puis de l’intérieur, hisser. Ça c’est fait.

Remplacer le câble, là, comme ça, sans outils ni câble de rechange ? Avec motivation, créativité et expérimentation, oui : une simple drisse de 8mm, en essayant juste de ne créer aucun funeste point de friction. Et ça semble tenir. La marée est-elle sauvée ?

Marée sauvée

Remise en route vers Arguin. Le puits de dérive encore ouvert pour contrôler le palan. Extrême attention à ne pas toucher de banc, ni manoeuvrer violemment le palan. Toujours au moteur. C’est la fin du descendant. Trop tard pour rejoindre Manouche, échoué vers la dune, derrière les parcs, à l’ouest de la grande conche centrale.

Nous attendrons que la marée soit assez remonté, à l’ancre dans le chenal, avec « tout le monde » et c’est pas peu dire. Baignade, premiers pas sur le banc d’Arguin, pour Lucile qui trouve tout beau (quand moi je ne vois que la « foule », mais j’ai été mal habitué ; c’est vrai que c’est beau :-) Casse croûte à bord etc. Le temps passe, la plage est dégagée, la marée est remontée et il est possible de rejoindre nos camarades voileux : le BJet « Manouche » présent sur place depuis jeudi, le Dufour 30 « Taranis », le Sun 2500 « Chrismy IV », rejoints par le « Cape Cod I ». Baignades, présentations, photos, premières bouteilles de rosé…

Soirée à Arguin

Quatre voiliers à Arguin (photo : Marie)

Quatre voiliers à Arguin (photo : Marie)

S’en suit une très sympathique soirée sur la plage, sous l’oeil du garde, vigilant mais toujours disposé à partager son puits de sciences sur l’avifaune arguinéenne et d’au delà, ainsi que quelques considérations existentielles personnelles. Faute de guitares (de toutes façons il est interdit de faire un feu de camp) les chants scouts succèdent aux chants bretons ou basques, on ne sait plus trop, tandis que les boissons transatlantiques nous emportent dans une collective harmonie. Une belle soirée, sûr. Sauf peut-être pour les Courlis cendrés (« courbagaou » ou « courbageot ») qui auraient aimé dîner sur l’estran à proximité de notre camp mais, il reste pas mal d’hectares autours…

L’avarie est loin.

Ramassage autant que possible de tous les reliefs de notre soirée.

Les équipages rejoignent leurs bateaux à pied. Quelques derniers rhums avant que le calme ne retombe sur Arguin.

Fin du samedi.

Dimanche à suivre. C’était bien aussi : on a fait de la voile !

Petit Iboga au pied de la dune du Pyla, sous la conduite de Lucile.

Petit Iboga au pied de la dune du Pyla, sous la conduite de Lucile.

Réveil à la PM du matin. Ciel chargé. Pas envie de baignade. Flottement dans les bateaux. Le cape Cod I prend le chemin du retour. Les voiliers s’écartent du bord, puis vont se mouiller 2 par 2 dans le chenal, le temps d’aviser. Nous sommes à couple de Manouche. Petit déj. à bord. Météo toujours pas fameuse. Mais un peu de vent. NW 3 bft.

C’est ainsi que nous prenons le chemin du nord à contre courant et contre vent. Idée initiale : Afrique. 3 h de navigation au près. Les premiers bords, Lucile à la barre. Pas évident de tenir un près serré dans ces conditions de courant. Quelques manque à virer, ou le contraire, laissent nos camarades de Chrismy IV et Taranis creuser un petit écart. Ainsi jusqu’à la pointe nord d’Arguin. Manouche a disparu vers le Moulleau. Nous longeons les bancs de Bernet au près serré babord amure. Le génois plaqué aux cadènes, la GV en drapeau : c’est que le vent a forci. Nos deux compagnons de route, derrière maintenant, son passés au moteur. Manouche est arrivé à Afrique, diable de Bjet diablement bien mené ; vous vous demandez pourquoi je recrute Éric à la barre quand je veux gagner une régate ? Nous sommes rendus au Bancot. Rappel général : nouvelle destination, El Palomar, juste au nord de Bélisaire.

Nous trouvons là le grand Gibsea de voyage de Florence et Rémi. Déjà à couple, Chrismy IV et Taranis, toujours premiers pour le pastis. Reste plus qu’à prendre le corps mort suivant à couple de Manouche, et installer une annexe-touline entre les 2 grapes de bateaux. Nouvelles présentations. Nouvelles bouteilles de rosé. Gros casse croûte dans le cockpit. Mais d’où sortent ces 3 poulets rôtis ? On est bien là à l’abris du vent. Le temps passe doucement. Puis chacun reprend le chemin de son port.

L’Iboga sous génois seul dévale jusqu’à la plage du phare. Et c’est la fin de cette sacrée marée mais pas la fin du WE au Ferret puisque un dîner sous la terrasse de Sylvosa, à Claouey concluera bien opportunément ce dimanche.