De l’importance de reconnaître les rôles d’un projet
Le contexte : intervenant en conseil auprès d’une institution du secteur de la culture très investie dans l’ingénierie de médiation numérique, j’ai été amené à participer au dénouement de certains « nœuds », à l’identification de points durs et à la cartographie de zones pas très franches dans lesquelles prospéraient à peu près tous les risques que peut affronter un projet ; pour ce faire, j’avais proposé à mon client de placer chaque acteur de ses projets sur une grille de rôles et identifier qui prend quelles prérogatives mais aussi quelles responsabilités et comment il est supposé fonctionner.
Je vous livre ces rôles. Rien de très original pour qui a un peu d’expérience de projets, mais c’est juste ma synthèse. Un peu de méthode. À débattre en commentaire.
La maîtrise d’ouvrage (MOA)
Le maître d’ouvrage sait exprimer ses besoins. Il veille à ne pas s’engager dans la formulation de solutions. En revanche, il formule ses exigences fonctionnelles et non fonctionnelles. Il sait définir les critères de qualité qui lui permettront d’évaluer les livrables de la maîtrise d’œuvre (voir ci-après) afin de les accepter ou de les rejeter (ou de les négocier). Il s’engage à fournir les éléments dont a besoin la maîtrise d’œuvre pour développer. Il adopte et assume des processus de prise de décision consistants tout au long d’un projet. Il emploie avec compétence des outils de travail collaboratif en interne, comme avec ses prestataires. Il veille à une bonne circulation de l’information en interne. Il est fier de la qualité des productions qu’il a imaginées et fait réaliser, et le fait savoir. L’entreprise porteuse de projets se doit au minimum d’assumer son rôle de maître d’ouvrage. La MOA peut se décomposer en deux rôles.
La MOA « Métier »
Les responsables de production et d’exploitation, ceux qui commandent le produit au nom des utilisateurs dont ils ont la charge ou qu’ils représentent. Ils sont les premiers en charge de l’expression de besoins, le recensement des contraintes et des autres postes de cahier des charges.
La MOA « technique »ou « digitale » ou « support »
En charge de la conduite de projet de développement du côté MOA, porteur de méthodologie, peut être un spécialiste des techniques mises en œuvre, interlocuteur en interface de la MOA Métier et de la MOE
En méthodes agiles, il sera appelé « Product Owner ». Une entreprise qui a la chance de disposer de MOA support pourra professionnaliser sa relation avec ses prestataires intervenant en MOE, que ceux-ci soient tiers, ou internes à l’organisation.
La maîtrise d’œuvre (MOE)
L’acteur en charge de la MOE est garant de la bonne réalisation technique des produits développés et tirant le meilleur parti des techniques. Il a un devoir de conseil vis à vis du MOA. Lorsque la réalisation du produit doit faire appel à plusieurs prestataires ou compétences, le MOE coordonne ceux-ci et s’assure de la qualité des livrables et du respect des délais. Avant toute livraison en recette, le MOE teste les livrables selon une méthodologie rigoureuse qui permet de s’assurer de la conformité du produit aux spécifications et exigences.
Une complexité apparaît lorsque tout ou partie d’un projet est confié à des personnels internes pour réalisation : quelles exigences ? quel contrat de service ? quelle maintenance ? quelle adéquation réelle des compétences aux besoins ? quelle articulation avec les prestataires tiers∞?
Les prestataires
Sous la conduite de la MOE, ou directement de la MOA technique pour de très petits projets ne nécessitant pas de coordination ni ne présentant de dépendances complexes, les prestataires ont une fonction technique circonscrite : expertise, architecture d’information, design, concepteur d’expérience utilisateur, modeleur, intégrateur web, développeur, opérateur de tests, opérateur de maintenance, intégrateur de systèmes et réseaux, admin sys / devops, référenceur, photographe, réalisateur audiovisuel, rédacteur, technicien régie…
La gouvernance
Garant de la bonne prise en compte des enjeux politiques et stratégiques mais aussi du respect des engagements éventuellement pris par l’entreprise vis à vis de partenaires tiers, l’organes de gouvernance du projet (« comité de pilotage ») doit donner aux participants opérationnels le cadre nécessaire à la réussite de leurs missions. En particuliers devront être définis les règles de décision applicables, les critères d’évaluation des résultats produits, les modalités de circulation de l’information, les prérogatives et responsabilités des acteurs…
Mais… où est le Chef De Projet ?
Sous l’influence des méthodes agiles, la fonction de « chef de projet » a tendance à s’estomper. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à une fonction de pilotage. Toutefois, la vision traditionnelle du « chef » (même si elle avait considérablement été enrichie ces dernières années) cède la place à celle d’un facilitateur — le Scrum master, dans une équipe de développement agile pratiquant Scrum — partenaire du « Product Owner » représentant les utilisateurs et lui même en interface avec les tenant des besoins métiers. C’est pourquoi les fonctions qui permettent de partager une vision de l’avancement du projet — liste de jalons, tâches et sous-tâches, planning, affectation de ressources au projet… — si elles ne sont pas assumées directement par un membre de la MOA (technique, de préférence) ou de la MOE (et attention à ne pas laisser se développer 2 versions du projet !) peuvent être dévolues à un profil de « secrétaire de projet », qui s’attachera à tenir à jour les tableaux de bords nécessaires au management pour s’assurer du bon déroulement du projet et anticiper au maximum sur l’apparition de dérives.
Oui, bon, mais pour ma PME ? Il faut être une peu polyvalent, non ?
Certes, la décomposition en organes de gouvernance, MOA Métier + support, MOE, Prestataires semble plutôt taillée pour les organisations nombreuses et hiérarchiques. Toutes les entreprises n’auront simplement pas assez de monde pour jouer chaque rôle. Et les projets ne seront pas assez gros pour le justifier. Cependant, garder à l’esprit que, incarnés par une ou plusieurs personnes, ou assumés par un seul « chef de projet » chacun de ces rôles a une mission qui doit être remplie. Les prestataires livrent à la MOE. La MOE livre à la MOA qui réceptionne. La MOA Métier remonte tous les besoins et les formalise… Il n’y a que des inconvénients à négliger, au nom d’un prétendu pragmatisme, le caractère systémique de tout projet.
Ami lecteur, tu es concerné par l’un de ces rôles ? Que penses-tu de cette vision ? Ton expérience… ?