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Le diagnostic numérique, l’oublié des parcours de visite en extérieur — 4/4

Le parc de smartphone des « vrais gens »

Ce billet fait partie d’une série consacrée au diagnostic numérique comme préalable à la conception d’un dispositif ou application de visite en extérieur.
Après les objectifs de diagnostic, la question de la couverture GPS, la question de la couverture des opérateurs de data mobile 4G, ce dernier billet s’intéresse aux appareils sur lesquels l’application mobile de visite va devoir tourner : le smartphone des visiteurs.

Pourquoi c’est important ?

La faisabilité du scénario d’expérience-utilisateur d’une application de visite mobile va dépendre de la capacité des smartphones des visiteurs à supporter les exigences d’une telle application :

  • la taille de l’application et de ses contenus à télécharger sera contrainte par la capacité de stockage et la capacité mémoire disponibles sur le smartphone ; sous la contrainte de la place réellement disponible (une fois pris en compte photos, vidéos, jeux, autres applications installées, divers caches applicatifs…)
  • la puissance de calcul requise par l’application et la durée de l’expérience seront contraintes par l’autonomie des appareils ; autonomie intrinsèque liée au modèle et à son âge (plus il est récent plus il a d’autonomie, les batteries se dégradant avec l’âge) ; mais aussi l’autonomie restante au moment où le visiteur commence le parcours.
  • certaines expériences telles la réalité augmentée ne seront possibles que sur les smartphones disposant des services natifs dédiés à cette fonction (ARCore chez Android, ARkit chez Apple), services qui ne sont supportés que par les modèles les plus récents.

C’est pourquoi il est intéressant d’avoir les idées claires sur le parc de smartphones utilisés par les « vrais gens », et de ne pas se baser sur les smartphones haut de gamme de dernière génération pour concevoir le service.

Car, si l’on prend en compte :

  • le taux de non équipement (près de 2 personnes sur 10 en 2020)
  • les personnes certes équipées, mais d’un smartphone obsolète (matériel ou OS de plus de 2-3 ans)
  • les personnes équipées, mais dont le smartphone est à court de batterie le jour de la visite
  • … ou dont la mémoire est saturée et ne peut pas accueillir de nouvelle application
  • les utilisateurs qui ont oublié le mot de passe du Store
  • … et ceux qui ne savent pas comment installer une application ni ouvrir une adresse web (beaucoup plus fréquent que l’on pense)
  • les personnes disposant d’un forfait data limité
  • les visiteurs étrangers dont le tarif de roaming data est dissuasif…

… on arrive à un taux d’usage potentiel moyen bien en dessous du taux d’équipement brut !

Comprendre cette réalité, c’est l’objet de ce billet1

Gammes, budgets et capacités

Parce qu’il est assez intuitif que le prix de lancement d’un modèle est un bon indicateur de son niveau technologique — taille d’écran, capacité mémoire, capacité de stockage, puissance du processeur, précision des capteurs, présence de technologies avancées (AR), autonomie de la batterie… le premier indicateur est le prix des smartphones achetés sur le marché français.

Le décompte de l’offre de smartphones par tranche de prix, par Que Choisir montre que l’offre est plus diversifiée dans les tranches de prix basses et moyennes. L’observatoire des achats d’appareils neufs (hors reconditionnés et occasion) montre une nette préférence du marché pour les smartphones entre 100 € et 300 €. Le budget moyen étant de 326 €.

Indice de popularité des smartphones par catégories de prix
Prixnombre de modèles
moins de 150 €47
entre 150 et 250 €130
entre 250 et 400 €123
entre 400 et 700 €78
plus de 700 €58
Répartition du nombre de modèles par tranche de prix au lancement — Que Choisir


À moins de 200 €, les smartphones n’intègrent pas toutes les technologies dernier cri, ni de grosses capacités de stockage.

Les smartphones de 250 à 400 € sont correctement équipés (processeur, connectique, qualité de l’écran), mais ne profitent pas des dernières innovations technologiques, réservées aux smartphones haut de gamme.

Dans la gamme des 400 à 600 € les smartphones bénéficient normalement de mises à jour régulières du système d’exploitation de l’appareil (introduction des dernières innovations).

La gestion de l'énergie peut interférer avec l'expérience-utilisateur
La gestion de l’énergie peut interférer avec l’expérience-utilisateur

Au-delà de 700 €, les appareils offrent un stockage suffisant (128 Go) et des composants internes les plus performants du moment (processeur et puce graphique), ce qui permet d’envisager les applications les plus gourmandes en ressources.

Même si, en règle générale, les smartphones haut de gamme sont équipés de batteries de grosse capacité (~4000mAh) et les moyen/bas de gamme par de plus petites (~3000mAh), l’autonomie de la batterie est cependant très variables d’un modèle à l’autre indépendamment du prix. En effet, la capacité des batteries accompagne l’évolution des capacités des téléphones, toujours plus énergivores.

Indice de popularité des smartphones par taille de mémoire
Indice de popularité des smartphones par taille de mémoire

Un point d’attention doit être porté aux systèmes de gestion de la charge, sur les téléphones Android : plusieurs marques parmi les plus distribuées intègrent par défaut des systèmes qui coupent l’accès aux services de réseau, de géolocalisation, des capteurs… en cas de mise en veille ou de charge réduite. Ce qui suspend intempestivement le fonctionnement des applications ayant besoin de ces services. Exemple ci-contre…
La capacité de stockage proposées en standard sont le plus souvent de 64Go et 128Go.
Remarquer que le smartphone moyen à ± 300 € se contente de 64Go.

Android, iOS et navigateurs mobiles

Il y a deux offres en concurrence sur le marché des systèmes d’exploitation : Android, de Google, distribué par de nombreuses marques, soit tel quel (Android One), soit associé à une surcouche logicielle conçue par le fabricant, d’une part, et iOS, distribué exclusivement sur les appareils conçus par Apple.

  • Android représente 74% du trafic internet (2019)
  • iOS représente 25% du trafic internet.

Il est raisonnable de statuer que l’application mobile de visite soit adaptée à ces deux environnements.

Les parts de marché des navigateurs web mobiles reflètent la répartition des systèmes. Mais attention : sur les appareils les moins récents non mis à jour et dans les gammes basses à moyennes, il est fort possible que le navigateur n’en soit pas à sa dernière version, ce qui peut restreindre la capacité du mobile à faire fonctionner des applications web mobiles les plus innovantes.


Parts de marché des navigateurs mobiles en 2022
Parts de marché des navigateurs mobiles en 2022

Focus sur le support natif de la réalité augmentée

Apple et Google ont donné à leurs systèmes d’exploitation des capacités spécifiques d’intelligence artificielle, dédiées au rendu en temps réel de la réalité augmentée :

  • suivi de mouvements, pour que le téléphone connaisse et puisse suivre sa propre position relative dans l’environnement ;
  • une « compréhension » de l’environnement, qui lui permet de reconnaître une surface, le sol, les murs, une table…
  • estimation en temps réel des conditions d’éclairage.

Ces capacités étant très gourmandes en calcul, elles ne sont pas disponibles sur les téléphones bas et milieu de gamme.

Chez Apple, les premiers modèles à bénéficier d’ARKit sont l’iPhone SE et l’iPhone 6S, sortis début 2016. Tous les iPhones plus récents sont donc compatibles2.

Chez Google, la première version d’Android qui a permis le fonctionnement d’ARCore est Android 9, sorti en 2018 (nous sommes à Android 12. ARCore était supporté lors de sa sortie par une douzaine de smartphones seulement. Aujourd’hui, le site Android Developers liste 519 modèles compatibles, soit environs 75% du parc Android  installé, à mi 20223.

En conclusion, sachant que la durée moyenne de détention d’un smartphone neuf est de 2 à 3 ans4, on pourrait en conclure que les technologies ARCore et ARKit sont universellement disponibles. Il n’en n’est rien ! En effet les 2 à 3 ans ne sont qu’une moyenne, alors que de nombreux utilisateurs font durer leur appareil bien plus longtemps ; ensuite, le marché de l’occasion et du reconditionné, que ce soit pour des motifs économiques ou écologiques, ne cesse de se développer, augmentant la durée de vie et la part de marché des appareils les moins récents en circulation.

Une proportion importante (quoique difficile à évaluer) de smartphones en circulation ne sont donc pas compatibles avec une expérience qualitative de réalité augmentée.


Sommaire du dossier

les objectifs du diagnostic numérique
la géolocalisation
l’accès au réseau data
les smartphones du public


  1. Source : Que Choisir ; Étude Le smartphone en France (observatoire actualisé/semaine ; hors smartphones reconditionnés) ; List of supported devices for WebAR ; Overview of ARCore and supported development environments 

  2. iOS 15 : quels iPhone sont compatibles ? 

  3. Source Android 11 takes the top spot in 2022 distribution chart; Android 12 still missing 

  4. ARCEP cité dans Numerama Mon téléphone est-il « vieux » ?