Le numérique a pris une place importante dans la conception des expositions ; une place qui s’est amplifiée avec la crise sanitaire de 2020… Une place qui a aussi donné lieu à de nombreux débats. D’un statut de technique utile pour documenter la fonction de conservation des collections (bases de données, catalogage, numérisation, gestion…) le numérique est désormais considéré comme un moyen de médiation offrant de nombreuses possibilités. Les visites virtuelles par exemple offrent la possibilité de garder un lien avec les publics, et peuvent amener à réfléchir sur un continuum de visite préparant ou prolongeant l’expérience in situ, une perspective transmédia particulièrement pertinente sur ce sujet.
L’INA publiait récemment une rétrospective des visites virtuelles de musées, commençant avec le CD-ROM du Louvre en 1995 suivi de près par le Musée d’Orsay. En effet, après avoir engagé le long chantier de la numérisation des collections (mission de conservation et d’études), les musées ont découvert l’intérêt du numérique pour élargir leur mission de divulgation au public, et finalement de médiation. Depuis plus de 25 ans maintenant1 le multimédia occupe une place de plus en plus pertinente dans les expositions, permettant de composer des expériences de visite plus interactives, plus personnalisées, plus inclusives, riches de plusieurs niveaux d’interprétation.
🎞 Les visites virtuelles de musées, un concept né en 1995 – sur le site de l’INA
Les CCSTI, comme les centres d’interprétation du patrimoine — moins dépendant de collections, en général — ont pu numériser leurs contenus d’autant plus facilement car dispensés de la digitalisation d’artefacts uniques et précieux. Il était de leur mission même d’employer, en complémentarité avec les « manipes », les « NTIC » pour donner à comprendre, articuler par l’expérience, les thèmes, notions et informations de leurs expositions. C’est pourquoi ils ont été à la pointe de l’expérimentation du multimédia et des systèmes interactifs pour le parcours de visite, mais aussi des réseaux sociaux, des contenus générés par le public, du storytelling transmédia…
Si la place du numérique dans l’expérience de visite continue à faire débat — il y a toujours de farouches promoteurs du « tout manipes », tout au plus l’audiovisuel trouvant grâce à leurs yeux —, ce débat s’est déplacé sur le terrain plus mature du rapport bénéfices / coûts, de sa contribution à obtenir et conserver l’attention du visiteur, sur l’intérêt et les moyens de créer une relation durable avec le public, sur la possibilité de projeter l’expo hors les murs pour mieux toucher et faire venir le public pour des expériences uniques…
Considérées comme purement expérimentales jusqu’à 2019, les différentes variantes de la visite virtuelle en ligne se sont brutalement imposées en réaction à l’interminable fermeture des établissements culturels. La visite 3D, que ce soit en vidéo 360° ou en réalité virtuelle est devenue une composante de l’offre de visite à part entière. Avec la « revanche », sur l’audioguide et l’appli de visite, de la visite guidée à heures fixes, par un médiateur humain, diffusée sur internet tandis que les visiteurs « suivent ».
Pour lancer un projet scénographique, aujourd’hui, peut-on être assurés que les conditions de visite redeviendront durablement « comme avant » ? Il serait sans doute prudent de tirer les leçons de la période actuelle et d’intégrer, dès la conception de l’expo, les dispositifs de participation contraints par des règles sanitaires, avec périodes de fermeture et jauges réduites. Le numérique a un rôle incontournable dans cette perspective.
Pour une rétrospective plus complète de l’intervention de l’informatique dans les musées, lire ce billet de mai 2020 de Sébastien Magro avec l’interview de Noémie Couillard (que j’avais rencontré à Museomix 2011) : Le confinement a mis à l’honneur les métiers du numérique dans les musées ↩