Chronique d’outre bord : n° 1 sur Nano à Gijon pour la « el Gaitero »

Bernard Raquet m’avait fait l’honneur d’agréer ma candidature au poste de n° 1 sur son First 35.7 Nano, basé à Arcachon et bien connu sur les parcours de course croisière du golfe de Gascogne.

Bernard est aussi un pilier du Cercle de le Voile d’Arcachon (familièrement « CVA ») et s’est superbement investi ces 3 dernières saisons dans l’organisation de la Premium Class, série de régates dédiées aux petits croiseurs de moins de 14 de HN, très appréciée des régatiers du bassin naviguant sur ces petites unités, d’autant plus que les participants profitent de conférences pour leur permettre de progresser sur la technique, le réglage, la tactique… La Premium Class, une initiative à cultiver de l’avis de mes amis participants.

Toutes les photos dans l'album

Toutes les photos dans l’album

Recruté comme n°1 pour des régates en Espagne !

Les régates d’el Gaitero, objet de mon engagement sur Nano, sont sponsorisées par le producteur de cidre éponyme de Villaviciosa, à 10 km de Gijon, et organisées par les clubs nautiques de Bilbao, Santander et Gijon. 52 bateaux étaient engagés. Le plus petit, un J92. Les plus grands dépassant 40 pieds.

J’ai passé avec Bernard, son fils Bertrand (qui nous laissera à Gijon) et son équipier Jean-Claude, 11 jours sur l’eau, entre le 31 juillet et le 10 août 2011.

L’arrivée au bateau, à minuit le samedi soir après une journée de voile. Accueil chuchotant de Bernard qui me désigne ma banette avant de retourner dans sa cabine. Évidemment je reveille mes futurs équipiers. Bonne entrée en matière !

Le départ du port d’Arcachon, à 4 heures 30 pour la PM aux passes, de 6 heures du matin. Face au courant. Moteur. Au lever du jour, quelques pécheurs dans le chenal et les passes. Puis une traversée de 210 miles au 226 en ligne droite. Du moteur sous pilote. Puis dans l’après midi et jusqu’à la tombée de la nuit, du spi. Et re-moteur jusqu’à l’arrivée à Bilbao vers 4 heures du matin. 24 heures piles. Un bout de ponton libre dans le Real Club Maritimo del Abra, quartier de las Arenas, à Getxo. Amarrage et sommeil. Deux jours à Bilbao pour récupérer et nous adapter, avant le début des régates.

2 jours à Bilbao

Réception de lancement, et briefing au 2e étage du club, surplombant la rade de Geitxo… belle vue, ne serait-ce ce crachin persistant qui bouche l’horizon… Et puis ces ports de commerce. Témoin de richesse économique, certes. Mais nous ne sommes plus habitué à cette mixité ici, surtout venant d’Arcachon. L’Espagne. Je m’étais fait la même réflexion à Cadiz en 2009… Cidre à volonté, petits fours gras pris d’assaut. Pas grave.

La première régate : Bilbao-Santander. Environs 40 miles. Pétole. Après 6 h à essayer de faire porter les voiles flaques, il est évident que nous n’arriverons pas avant le temps limite (que nous ne connaissons d’ailleurs pas). La mort dans l’âme, car ce n’est pas le style du bateau, nous poursuivons au moteur. C’est l’abandon.

Nous abordons Santander à la nuit bien tombée. Accueillis par le marinero de service au Real Club Maritimo qui nous désigne notre corps mort. Le jour nous révèle l’environnement du mouillage : nous sommes près d’un quai sur lequel passe une intense circulation très bruyante. Façade assez belle, homogène. L’architecture années 30 (?) du Real Club Maritimo.

Aucun concurrent n’étant arrivé dans les temps, car il y a une limite individuelle relative au rating IRC de chaque bateau, aucun ne sera classé. Vache pour ceux qui ont insisté jusqu’au bout pour échouer à quelques minutes de leur temps limite.

Douche dans les vestiaires du club. Les écoulements : direct à la rivière ! Il faut voir comment ça grouille de mules là dessous… Bon appétit.

Briefing puis réception – lunch au club. Cidre à volonté, monceaux de petits sandwichs plutôt bien garnis. Bernard fait des réserves pour la navigation qui nous attend.

Santander – Gijon. 90 miles en ligne droite. Rêve ! vendredi 5 août (déjà !) à 13 heures, arrivée à Gijon après 20 h de nave avec temps variable entre une longue pétole au départ (le cabo Mayor, c’est bon, on le connaît) vent vaguement arrière, puis une longue conquête du vent apparent, sous la fine barre de Bertrand, qui ose nous éloigner de la route directe pour faire marcher le bateau, puis un bord de spi rapprochant dans la nuit noire, pas évident le réglage, Bertrand cèdera la barre à fx puis Bernard, et jusqu’à 22 nds dans le pif toute la matinée avec mer formée, pour gravir les derniers 10 miles avant Gijon.

Le thermique tourne comme prévu entre Santander et Gijon

Confirmation parfaite de la théorie de rotation de la brise thermique prévue par Bernard… Classement : 3e sur 18 engagés dans la classe. Petit épisode de régate juste avant la ligne. Classement 13e au général sur 52. Une bonne manche.

Giron, la plupart des concurrents rassemblés sur 3 pontons. Le Wifi payant ; pire, : le mode de connexion qui impose de se réidentifier après chaque mise en veille de l’iPhone. Payant et pénible. Douches et sanitaires pris d’assaut. El Gaitero offre son cidre à volonté et une assiette de cassoulet réconfortant.

Samedi. Le comité promène les bouées du parcours banane en attendant que le vent se stabilise. Prévu à 25 nds quand même le vent. Pas le temps de mouiller le parcours qu’un coup de vent force 8 déboule en 1/4 d’heure. D’estival, le plan d’eau devient noir dessous et blanc dessus avec une mer de vent formée. Le vent, jusqu’à 42 nds à l’anémo de Nano. Premier ris. Reprise du guindant. Déchirure de la voile le long d’un coulisseau (fallait pas oublier de choquer l’écoute et le hâle bas), passage en vitesse de la bosse de ris n°2, prise du ris. Là ça va. Pas question de dérouler le génois régate. Moteur, face à la vague, direction le port. Bernard cherche comment affaler la GV en sécurité. À l’abris relatif de la digue ? Il avait fallu 20 mn pour nous éloigner au portant, il faudra une heure pour rentrer vent dans le nez.

45 nds de vent en 1/4 d’heure…

Gare au fardage pour les manœuvres de port. Mais les équipiers déjà rentrés parent vivement les bateaux qui arrivent et assurent les amarres. Belle solidarité. Voilà la journée de régate compromise. Rincage général des vêtements salés. Sur le quai, cidre et cassoulet à volonté. Classement inchangé. Atelier couture pour rafistoler la GV, vu que le maître voilier du coin est en régate ailleurs…

Le soir, autobus jusqu’à Villaviciosa pour la espicha dans les prairies de la cidrerie El Gaitero. Sous un petit crachin, l’espicha. Dégustation de cidre jeune, tiré du tonneau par d’habiles sommeliers. Àpre et parfumé. Monceaux de victuailles locales délicieuses…

Dimanche, un temps à peu près normal pour le parcours banane. Une bouée au vent, une bouée sous le vent. A propos de vent, pas évident : des poches de ci de là, pas vraiment établi. Il tournera tant que le comité devra déporter la bouée de près du 3e tour de 30° à l’est. Un temps favorisant les habitués du plan d’eau. Petit courant, trop faible pour être documenté, mais qu’il valait mieux connaître. Bref, une course pour les nerfs aussi. Classement : 8e de la série. Ce qui ramènera Nano à la 4e place de sa catégorie au général.

Quelques photos et résultats sur le site du Real Club Astur de Regatas

Dimanche soir, Nous sommes rejoints par Guille, l’épouse de Bertrand qui le rejoint pour poursuivre à VTT l’exploration des Asturies. Sur le bateau, remplacement du génois régate par le génois de convoyage, ainsi que la GV.

La réception – remise des prix au Real Club Astur de Regatas de Gijon. Grand niveau, les plats, les vins… Et clôture de ces régates. Un dernier « Ginto », offert par Jean-Claude au Club.

Le convoyage retour

Tôt le lundi matin, débarquement de Guille et Bertrand. Équipage réduit à 3 pour le convoyage du retour. Une étape de repos est prévue à Santander. Cette première étape assez pénible avec une mer formée sur l’arrière, vent apparent assez longtemps insuffisant à pousser le bateau : moteur à 1200 tours en appui pour garder une moyenne de 5 nds. Puis enfin la voile et le moteur se tait. Mais de bout en bout, nécessité de barrer « à la main » : le pilote ne saurait pas gérer les embardées inévitables provoquées par le mécanisme des vagues rattrapant puis dépassant le bateau…

Script de l’ITW de Bernard et Jean-Claude durant le convoyage retour Gijon Santander.

01:45 B. Raquet, skipper et propriétaire du First 35.7 Nano :

— Où sommes nous ? En mer. Nous sommes partis de Gijon à 7 heure 42 ce matin et nos sommes à l’heure actuelle en route pour Santander, avec, une mer formée on peut dire avec des creux de 3 à 4 m, un vent d’ouest, mer sur l’arrière qui nous bouscule pas mal, avec entre 18 à 22 nœuds. Malgré tout ça la vie est belle mais on aimerait bien que ça s’arrête.

02:30 JC. Gabriel, équipier régulier sur Nano :

— … occasionnel, barreur occasionnel.

— c’est ça : c’est la corvée, obligatoire… de tous les convoyages.

Santander fin de journée. Pas de place au mouillage du club. Nous ne sommes plus VIP. Mouillage forain avec alarme de sécurité. Nuit tranquille. Incident à la remontée du mouillage : qu’est)ce qui coince ? malgré l’orin astucieusement installé par Jean-Claude, nous aurons les plus grandes peines à remonter l’ancre, peut-être glissée sous des ferrailles…

Départ mardi vers 10 heures en direction d’Arcachon. 120 miles en ligne directe. Encore du moteur : vent insuffisant. Mais avec la houle un peu moins forte et surtout plus latérale, le pilote automatique joue sa partition. Nous pouvons rester en veille intermitente. De mon côté, je me goinfre de documents nautiques du SHOM où je confirme mais surtout apprends pas mal de choses sur la météo, les courants, la marée, les instruments de navigation des années 90… Je complète ma tentative de compréhension de la météo et de lecture du ciel dans un hors série de v&v à Bernard. Les repas se suivent, souvent pris en charge comme d’ailleurs durant toute la navigation, par Jean-Claude qui, s’il ne raffole pas de la barre, n’est pas avare d’initiatives d’apéros, de repas dressé dans le carré et d’anecdotes puisées dans sa grande expérience.

Grosse sieste en fin de journée. Nuit. Je suis réveillé pour le quart de minuit à 2 heures, par Bernard. Nous sommes sous voile. vent NNE permettant de faire un cap un peut en terre mais acceptable malgré une vitesse réduite à 3-4 nds. Mais nous avons de l’avance par rapport à l’horaire de la PM normalement requise pour accéder aux passes. Le vent refuse, faiblit. Pas évident de faire marcher. Je refais un quart en fin de nuit. Vient le jour blafard puis le soleil. Toujours pas grand chose à voir vers la France. Pas de phare du Cap-Ferret. Le moteur est relancé.

Des brumes côtières émergent peu distinctement les tours du CEL de Biscarrosse. Puis le trait de côte…

Arcachon

2 ou 3 heures plus tard, voici la bouée d’atterrissage. Les passes sont assez calmes. C’est BM+ 1 ou 2. De nombreux bateaux de pécheurs bouchonnent paisiblement dans les passes. Bernard sollicite l’avis du sémaphore : « vous prenez vos responsabilités mais on vous suit ». En fait, la plus haute cote sera 5m de sonde aux abords de la bouée 3. Longer les bancs d’Arguin à tribord et du Toulinguet à babord, suivre les bouées de chenal jusqu’à la 13 puis couper vers la 14. La rade d’Eyrac déjà parcourue de bateaux à moteur rugissants et indifférents aux bateaux moins rapides. Pas de doute, nous sommes bien à Arcachon.

Le port.

M94. Manœuvre d’apontement. Amarrage. 13:00.

Rassemblement des effets personnels, nettoyage sommaire de la cabine, la glacière, la cuisine. Et l’équipage se disperse pour rejoindre ses engagements terrestres.

Un grand merci à Bernard pour m’avoir fait confiance et pour cette belle navigation dans le golfe de Gascogne.

Tiens, je ferai bien un peu de Jouët 680 là !